Itinéraire d’un Franc-Comtois en pays de Savoie : François Cuenot

Au XVIIème siècle, un Franc-Comtois, François Cuenot, sculpteur, graveur, architecte et ingénieur, s’illustre en Pays de Savoie. Partons à la découverte de certaines de ses réalisations…

Eglise de Le Bélieu (Doubs). Source Wikipédia

Il naît en 1610 ou 1618 à Le Bélieu (Doubs) alors que la Franche-Comté est administrée par les Habsbourg.

Retable de l’autel de la Vierge de l’église de Le Bélieu – Doubs Source : Ministère de la Culture (France), Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (Centre de recherche des monuments historiques – CRMH)

En 1636 il travaille dans la région, mais celle-ci subit les ravages de la guerre de Dix ans (épisode comtois de la guerre de Trente ans). Il quitte alors sa terre natale, fait un passage en Gruyère (canton de Fribourg) et dans le Pays de Vaud, puis arrive vers 1638/1641 dans le duché de Savoie. Il s’installe d’abord à Annecy où il conservera un atelier de sculpture. A partir de 1645, appelé par la duchesse Christine, il œuvre à Chambéry où il emménage faubourg Maché en 1662, et y réside jusqu’à son décès en 1686.

Maître sculpteur remarquable, François Cuenot est sollicité pour la réalisation de retables destinés à orner les églises. Depuis quelques décennies est mise en application en Savoie la Réforme catholique et, dans ce contexte, de nombreux édifices sont construits ou réaménagés et dotés d’un mobilier de style baroque. Il œuvre ainsi à Annecy, Aime, Beaufort-sur-Doron, Orelle, Champagny-en-Vanoise, Bonneval sur Arc…

Retable du maître-autel de l’église d’Orelle – Maurienne – Savoie par François Cuenot 1657. Crédit : Jacqueline Jorcin Roch

 

En 1667, il sculpte dans son atelier de Chambéry le retable de la Vierge pour l’église de son village natal.

Frontispice du livre de François Cuenot. Source : Epure d’une colonne torse – Livre d’architecture de F. Cuenot 1659 source : http://www.savoie-archives.fr

En 1659, il publie à Annecy son « Livre d’architecture dédié à leurs Altesses Royales » dans lequel il présente l’épure d’une colonne torse et explique comment la réaliser « Je vous ai ici mis la façon d’une colonne torse fort facile à faire et bien belle…».

Épure d’une colonne torse – Livre d’architecture de F. Cuenot 1659. Source : http://www.savoie-archives.fr

Cet ouvrage a sans doute été une référence pour les sculpteurs savoyards, en particulier de Haute Maurienne qui, à partir de 1665/1670, produisent des retables ornés de splendides colonnes torses.

En 1660, François Cuenot est nommé « architecteur et sculpteur de son Altesse Royale tant en deça qu’au-delà des monts ».

Hormis des retables, le sculpteur réalise la porte ainsi que le buffet d’orgue de la Sainte Chapelle du Château de Chambéry.

En 1663, à l’occasion du mariage du duc Charles Emmanuel II et Françoise d’Orléans, il participe à la conception d’œuvres éphémères : deux arcs de triomphe et « une machine de feu d’artifice ».

En 1669 il est chargé de concevoir pour le faubourg Maché la fontaine dite « des Deux Bourneaux », puis l’année suivante celle de la place de Lans.

Fontaine « des Deux Bourneaux » Chambéry. Crédit Jacqueline Jorcin Roch

François Cuenot est également graveur. Il avait gravé sur cuivre les planches de son livre d’architecture, mais il semble qu’il ait également gravé des moules en bois pour des cartes de tarot (il y avait plusieurs cartiers à Chambéry au XVIIe siècle).

Outre ses fonctions de sculpteur et architecte, François Cuenot exerce celles d’ingénieur et constructeur de ponts. Il dessine notamment les plans et dirige les travaux de ceux de Brogny, de Saint Michel de Maurienne, Lanslebourg, Montmélian…

Pont de Montmélian. Source : www.savoie-archives.fr

Il dresse aussi les plans des salines de Pontamafrey, des bains d’Aix, des routes du Mont du Chat, de la Rochette…

En 1673 il jalonne la frontière avec la France en établissant 26 bornes entre l’Isère et le col du Granier.

François Cuenot effectue des voyages d’étude à l’étranger, mais aussi de multiples déplacements à l’intérieur des Etats de Savoie. En 1675 il se rend en Maurienne. Ayant le projet de passer commande d’un retable à des sculpteurs locaux, la communauté de Termignon profite de sa venue pour solliciter son avis : « Me Cuenot, architecte de son Altesse le duc de Savoie et sculpteur réputé, venu constater les dégâts causés à la route de la Balmettaz, a été requis par les syndics pour visiter le prix-fait de Me Claude Rey sculpteur, du retable du maître-autel de l’église, lequel a été jugé à propos. »

En 1680 il obtint de la duchesse Régente Marie Jeanne Baptiste, la survie de sa charge d’architecte et sculpteur ducal en faveur de son fils Pierre François qui l’exerce à partir de 1685.

Il décède l’année suivante et est inhumé le 31 décembre 1686 à Chambéry dans l’église Sainte Claire.

Bien que certaines de ses œuvres aient disparu, nombre d’entre elles subsistent, faisant de François Cuenot un personnage majeur de l’histoire et du patrimoine des pays de Savoie.

 

Pour aller plus loin :

  • Jean Olivier Viout « François Cuenot à Chambéry 1647-1683 » Société des Amis du Vieux Chambéry Tome Treizième 1988.
  • René Milleret « Termignon, son église, ses chapelles, ses sculpteurs » les Savoisiennes Curandera 1987
  • François Cuenot « Livre d’architecture dédié à leurs Altesses Royales »

ETH – Bibliothek Zürich

ETH-Bibliothek / Livre d’architecture

ETH-Bibliothek (NEBIS). Livre d’architecture : dédié à leurs Altesses Royales. Annissy : [s.n.], 1659

 

Lien : www.savoie-archives.fr