Pour une charte des contributeurs de Traverse

Eléments de contexte
Avec le recours généralisé aux dispositifs numériques dans notre société, les projets participatifs se multiplient, notamment dans le domaine culturel et patrimonial.
Si les anciens modèles de production et diffusion de connaissances « par en haut » perdurent, ceux-ci sont de plus en plus concurrencés par de nouvelles formes de « coopération horizontale » entre professionnels du patrimoine, chercheurs, associations d’histoire locale, établissements de formation, acteurs culturels, environnementaux, touristiques ou socio-économiques et plus largement « citoyens », qui connaissent un fort développement.
Ces nouveaux dispositifs auxquels participent de façon active et délibérée, au côté des experts de la chose patrimoniale, des acteurs de la « société civile », à titre individuel ou collectif, suscitent bien des interrogations et débats relatifs à la production et à la diffusion des connaissances scientifiques : qui a le savoir légitime ? Quelles co-constructions des outils entre professionnels et amateurs ? Quels partages d’expériences ? Quelles narrations ? Quelles modérations ?
Le projet franco-suisse Traverse (qui métaphoriquement incite à la curiosité et invite au passage de la frontière : entre les cultures, entre les nations, entre les patrimoines), participe de cet élan démocratique. Il suppose, pour atteindre ses objectifs émancipateurs, la mise en place d’un cadre éthique, de préconisations et de garde-fous permettant d’éviter le brouillage du sens, mais aussi d’opérer la hiérarchisation des sources d’information, le référencement des données et de l’iconographie, ceci afin de permettre la diffusion d’informations fiables et d’ainsi favoriser une émulation entre producteurs de contenu et utilisateurs de l’application. Cette démarche entre en résonance avec les enjeux éthiques et politiques de la communication autour des patrimoines et des mémoires : publications réfléchies dans une optique de diffusion de la connaissance et de partage d’expériences.
Traverse mode d’emploi
Le présent document a pour ambition de proposer au potentiel contributeur un cadre éthique, socle susceptible de l’aider à prendre sa place au sein de l’espace éditorial de l’application Traverse (outil à caractère expérimental) dans la création de contenus et de lui offrir un environnement de collaboration ouvert, transparent et coopératif.
Genèse, cadre institutionnel et gouvernance du projet Traverse
Différents acteurs publics franco-suisses (DRAC, Régions, Cantons, Départements…) engagés dans la protection et la valorisation des patrimoines se sont fédérés en 2014 au sein d’un programme Interreg intitulé « Traverse-Patrimoines franco-suisses en partage », piloté par deux chefs de file : le SIPaL/Canton de Vaud pour la Suisse et la Fondation Facim pour la France. la phase opérationnelle du projet a été lancée en janvier 2016. Le mode de gouvernance et l’ensemble des instances qui assurent le pilotage du projet Traverse et la coordination des différents acteurs impliqués sont consultables sur son site web : https://www.traverse-patrimoines.com/
Mieux comprendre l’outil et ses potentialités
Depuis l’automne 2017, Traverse, outil numérique de partage de la connaissance, prend la forme d’une application pour téléphone mobile destinée aux professionnels (acteurs du patrimoine, de la culture, du tourisme), aux citoyens et visiteurs de ce territoire transfrontalier. Traverse permet une relation dynamique aux éléments du patrimoine via un flux d’images (bases de données publiques mises en relation avec des images anciennes et contemporaines postées et/ou prises par les créateurs de contenu) légendées et commentées. A travers l’écriture de ces « cartes postales » d’un genre nouveau, produites de façon individuelle et subjective, le contributeur de Traverse témoigne de son attachement à un monument, un paysage, une tradition culinaire, une œuvre artistique, un personnage historique ou légendaire, des savoirs et savoir-faire… reliés à la vie de « son » territoire. Les « cartes postales » sont en effet signées par leurs auteurs et présentent ainsi des points de vue qui entrent en résonance les uns avec les autres . Il est attendu que le contenu de ces CP soient l’opportunité également de croisements, d’échos donnés sur d’autres lieux, d’autres thèmes présents de part et d’autre de la frontière, invitant ainsi le visiteur (intellectuellement, voire physiquement) à relier ces lieux. 
En effet, l’originalité de Traverse tient sans doute moins à l’écriture participative qu’à l’esprit de curiosité en partage, la multiplication des points de vue et surtout la mise en relation des contenus, des cartes postales. La cohérence est propre à chacun, ce qui signifie que la liberté d’agencement ou de réagencement des contenus disponibles doit être respectée (au moyen des catégories, mots clés et playlists). Cette mise en relation des « points de vue » sur tel site ou objet permet de raconter une parcelle de l’histoire du territoire, que d’autres viendront enrichir par leurs propres contenus.
Contrairement à ce que l’on trouve dans des outils encyclopédiques d’écritures collaboratives de type Wikipédia, il est possible (voire souhaité) qu’il y ait plusieurs regards sur un site, un objet ou un personnage. Autant de points de vue qu’expriment les différentes cartes postales de Traverse consacrées à la cathédrale de Genève ou les diverses présentations de la personnalité, de l’œuvre ou du parcours de Rousseau dans le territoire franco-suisse. Aussi est-il nécessaire de rappeler que des rédacteurs différents, ayant parfois des points de vue complémentaires ou parfois divergents, doivent nécessairement accepter la multiplicité des regards sur tel ou tel élément du patrimoine.
Devenir contributeur 
Principes déontologiques
La démarche construite est rigoureuse et permet d’assurer la fiabilité et la reproductibilité des données et sources documentaires. Le contributeur s’engage à écrire avec rigueur et honnêteté, ce qui n’exclut pas la subjectivité.
Les contributeurs institutionnels et non institutionnels fondent leurs actions et leurs décisions sur un même objectif : travailler avec les autres à l’enrichissement (et à l’amélioration) de l’outil, dans un esprit de respect et de bienveillance réciproque.
Dans Traverse, la frontière entre chercheur et médiateur de contenus tend à disparaître, dans la mesure où il est tout à fait possible de se faire le porte-voix de la découverte d’autrui, tout simplement parce que le site, l’objet ou le personnage historique évoqué dans la « carte postale » entre en résonance avec le vécu du contributeur : parce que situé sur sa commune de résidence, de villégiature ou de naissance… auquel il est symboliquement attaché et dont il souhaite faire profiter le plus grand nombre (parce qu’il se sent responsable de son devenir).
Quelles ressources documentaires ? Quels usages ?
En priorité on aura recours aux fonds des institutions publiques membres du projet ou partenaires. Au-delà des fonds des institutions de recherche, des archives et des bibliothèques publiques et des musées, bien des corpus documentaires sont désormais accessibles en ligne. Ils ont été rassemblés par des amateurs, des collectionneurs, qui s’efforcent de les rendre visibles et accessibles sur le web : blogs, sites dédiés, réseaux sociaux. Il est possible de les « importer » dans Traverse en mentionnant la source, le nom de l’auteur) et en indiquant le lien permettant à l’usager de retrouver le document d’origine. Chaque contributeur peut également participer activement au processus de documentation et de partage de l’information en transmettant ses propres archives, dessins, plans, photos anciennes ou contemporaines (ce qui permet de mieux comprendre le passage du temps), prises notamment au moyen de son téléphone mobile.
Quelles formes d’écritures et narrations ?
Dans l’écriture de la « carte postale », on évitera les travers de l’érudition en privilégiant les formes courtes de présentation de l’objet. De tels formats d’écriture à la fois précis, techniques, mais néanmoins sensibles, étant connectés à d’autres sources d’information (sites universitaires, de bibliothèque, site internet d’une conservation du patrimoine) le risque d’erreur est moindre que dans l’écriture d’un article conséquent. Par ailleurs, reposant sur la créativité et la subjectivité de ses auteurs (qui affirment un point de vue au sein de leur institution ou association), Traverse ne suppose donc pas la mise en œuvre d’une technique de régulation collective des écritures.
Chaque carte postale possède sa propre signification, raconte un fragment d’histoire. Elle gagnera néanmoins en intérêt en étant reliée à d’autres : soit dans le même espace géographique, soit dans un territoire voisin ou éloigné (qui peut être situé de l’autre côté de la frontière). C’est la valeur ajoutée Traverse que de favoriser l’aimantation des cartes postales et de faire ainsi jaillir des significations nouvelles, inédites à partir de la chronologie, ou d’un thème. Pour que cela puisse fonctionner le contributeur est invité à compléter précisément l’ensemble des rubriques à sa disposition dans l’outil éditorial.
La modération
Face aux risques d’erreur, d’approximation ou de pillage de travaux consécutifs à l’absence de contrôle éditorial a priori, ou encore liés à la compétition pour la reconnaissance entre des amateurs et des professionnels du savoir, il convient de mettre en place une modération. Celle-ci est exercée par l’équipe projet de Traverse, mais également par le comité éditorial qui lui signale les éventuels problèmes de fond et de forme. En cas de problème mineur (faute d’orthographe ou de syntaxe) l’équipe projet peut intervenir directement sur la fiche. En cas d’erreur d’interprétation historique, de datation, de localisation, ou de nature de la propriété, l’équipe projet en informe le contributeur qui corrige directement la fiche ou donne son accord pour que les administrateurs de Traverse interviennent. En cas de problème majeur (contenu inapproprié, plagiat) la fiche sera aussitôt dépubliée par l’équipe projet. Compte tenu du mode de gouvernance de Traverse (en réseau horizontal) la modération ne peut être que collective et repose sur la bienveillance et la confiance mutuelle entre pairs, coresponsables de la ligne éditoriale et des aspects formels des narrations dans Traverse.
Devenir ambassadeur de Traverse 
Traverse ayant rencontré – par l’intermédiaire de son site internet dédié et surtout de l’application proprement dite – une partie du public intéressé par les nouveaux outils de partage de la connaissance, il s’agit désormais de pérenniser l’opération en permettant aux acteurs du tourisme, de l’enseignement et de la culture de s’en emparer, voire d’en créer de nouveaux usages. Pour ce faire, il convient de fédérer des « ambassadeurs de Traverse » : enseignants, guides conférenciers, animateurs de l’architecture et du patrimoine, médiateurs culturels, responsables de musées, érudits locaux, professionnels du plein-air, éducateurs sportifs, hébergeurs, etc., ancrés dans leur bassin de vie. En l’état actuel de l’évolution de l’outil et des limites des formes d’expérimentation, ces ambassadeurs sont nécessairement cooptés. Ils entretiennent donc de fait des liens d’interconnaissance avec les membres fondateurs de Traverse ou leurs institutions de tutelle.
Libre accès et participation des usagers
Traverse ambitionne d’œuvrer à la reconnaissance de la diversité des savoirs à l’œuvre dans le champ patrimonial. Chacun peut donc consulter librement et enrichir Traverse via un flux d’images et de commentaires sans formalités ni contrepartie, telle l’inscription avec fourniture de renseignements personnels. Chacun a la possibilité de réagencer à sa guise l’ensemble des fiches, rebaptisées « cartes postales » sous forme de playlists et ainsi de proposer des narrations inédites en rapport avec sa propre expérience.
Lien vers l’application mobile : https://www.traverse-patrimoines.com/app